RENCONTRE AVEC EMILE KENMOGNE

 

       Le Cercle de Réflexion Philosophique (CEREPH) de l’Institut de Philosophie Saint Joseph Mukasa dans le cadre de la réalisation de ses projets  a eu l’honneur d’accueillir le Dr Emile KENMOGNE au sein de l’Institut le mercredi 28 avril 2010.

    Après plusieurs entreprises mises sur pied par DOURWE Bernard secrétaire générale et FOPOUSSI Marcel, coordinateur général du CEREPH, le Docteur Emile KENMOGNE a accepté de venir nous entretenir sur la philosophie africaine.

     Arrivé autour de 14h30 dans les locaux qui lui étaient étrangers, en compagnie de sa collègue Anne Hélène, le docteur s’est mis tout d’abord à inspecter les lieux. C’est ainsi qu’une délégation des étudiants l’a dirigé à la bibliothèque  puis dans les différentes salles de l’Institut.

     Il débuta son entretien  lorsqu’il était 15h45. Marcel FOPOUSSI qui l’introduit à l’assemblé commença par présenter l’Institut puis le CEREPH. Bernard DOURWE, quant à lui, nous a fait une brève présentation de notre auguste invité. Ce dernier pris ensuite la parole pour d’abord se présenter puis enseigner cette multitude d’étudiants venus des classes de philo I, Philo II, et Philo III en remerciant l’abbé Claude LAH présent ce jour pour tout ce qu’il a fait pour lui. Que retenir de son enseignement ?

     Tout d’abord le docteur Emile KENMOGNE s’est présenté comme enseignant de Philosophie à l’Université de Yaoundé I.  Avant l’enseignement universitaire, il dispensa les cours au lycée de Mbankomo,  périphérie  de la ville de Yaoundé, et dans quelques lycées de la ville pendant 12 ans, et depuis huit ans déjà les universités de Douala et Yaoundé bénéficient respectivement son enseignement. Il s’est également présenté comme responsable du Cercle Camerounais de Philosophie (CERCAPHI) dont il est un membre fondateur.

Ces propos se sont voulus comme un café-philo car il se positionne comme un acteur de la philosophie. Pour revenir au vif du sujet, la question fondamentale était celle-ci : qu’est ce que la philosophie africaine ? Pour y répondre une définition de la philosophie puis de l’Afrique devrait être faite.

     Dans son étymologie, la philosophie  vient du grec philo : amour et sofia : sagesse. La philosophie a fondamentalement deux dimensions une dimension verticale qui conçoit la sagesse comme amour du savoir de la science cette dimension tend vers la connaissance totale, la connaissance de l’homme, du monde et de Dieu qui est le sommet et la fin de toute connaissance. C’est l’orientation épistémologique de la philosophie qui vise l’explication du monde, du réel. Le philosophe dans cette dimension n’est pas obligé de bien agir proche ici est la théologie.

La sagesse dans cet élan n’implique pas d’abord la prudence mais comme le dit René Descartes, une parfaite connaissance des choses pour bien conduire sa vie, inventer les artifices.

      L’orientation horizontale  conçoit également la philosophie comme amour de la sagesse. Mais une sagesse qui se veut praxis et action et non spéculation. Ici, la philosophie est une conduite de la vie et dans cette considération entre en jeu la morale et l’éthique en vue du bien et du bonheur des hommes.

 Le philosophe est-il obligé de faire le bien ?

      Selon Aristote est philosophe celui qui possède la totalité du savoir. Celui qui dépasse les connaissances du sens commun. Ici, il y a aucun souci de la morale et d’autres philosophes comme Nietzsche vont même s’attaquer à la morale en prônant une transmutation de valeurs. pour les égyptiens, la philosophie se présentait comme un art de vivre avec une finalité pratique. Ce sont les grecs qui viendront changer le sens à travers de discours. C’est ainsi que s’effectuera le passage de la sagesse comme art de vivre au discours. Et c’est ce sens qu’exprime Pythagore lorsqu’il dit qu’il n’est pas un sage mais un ami de sages(les égyptiens).

     Toutefois, ces deux orientations de la philosophie sont nécessaires et complémentaires. Car la philosophie comme art de vivre et de tendre vers le bonheur implique une connaissance appropriée de l’homme et du monde et de Dieu.

L’Afrique quant à elle peut être considérée sur un plan géographique, historique, religieux,  culturel etc. La définition de l’Afrique pose un problème de l’unité, de la diversité et de la pluralité. En effet, sur quel plan peut-on efficacement définir l’Afrique comme une unité compte tenu de la différenciation de l’Afrique noire et du Maghreb ?

C’est pourquoi BIDIME Jean Godefroid dans son œuvre La Philosophie africaine dira que, la culture et la philosophie africaine doivent être considérées en fonction de ces diversités africaines. Ainsi, devant cette ambigüité de définir l’Afrique,  deux dangers doivent évités l’écueil du globalisme et du spécifisme.

        Pourquoi parler de philosophie africaine ? Ce n’est pas le groupe de mot philosophie africaine qui fait problème mais le contenu. La philosophie africaine est bien existante. L’histoire nous révèle que les africains ont développé la philosophie depuis longtemps dans la période pharaonique tout comme certains africains ont fait une philosophie bien élaborée selon les critères occidentaux tels que Augustin, Plotin, Clément d’Alexandrie, Guillaume Amo. Les africains ont une certaines conceptions du monde, de l’éthique de l’univers par exemple. Et c’est ce que le père Hebga va démonter dans un ouvrage : La Rationalité du discours des phénomènes paranormaux. Et pour lui, les africains on une conception triadique de l’homme : corps, souffle, et ombre.

     Vue ainsi, on peut parler d’une rationalité africaine. La rationalité est en effet une lecture cohérente qui explique les choses. Dans ce sens, l’ethnophilosophie ne constitue en aucun cas un danger pour l’africain  et cette thèse est développée par Hebga dans son œuvre : Eloge de l’ethnophilosophie. Il fait de la philosophie ethnique sans toutefois faire de l’ethnologie. L’évolution de la philosophie avec la postmodernité démontre un refus de plus en plus exacerbé contre la raison car la philosophie n’et plus la surpuissance de la raison comme l’avait pensé beaucoup de philosophes occidentaux. La philosophie connaît ainsi une nouvelle orientation et les africains y sont présents dans la nouvelle problématique de la philosophie.  Les différents fins annoncées : fin de la philosophie, fin du monde sont suscités par les controverses de la raison.  Des changements ne cessent de s’opérer c’est pourquoi il est tant aujourd’hui d’enseigner les philosophes comme Derrida, Foucauld, Hebga. Il n’existe pas en effet une rationalité universelle. Toute rationalité est le fruit d’une invention. C’est dans ce sens qu’on peut comprendre les écrits de Richard Rondi : La Fin de la raison, de Paul Feyerabend : Contre la méthode, Adieu la raison qui prône un anarchisme méthodique car tout marche.

Le rendez-vous du donner et d recevoir de Senghor qui est le rendez-vous de l’universalité est un mythe qui tombe déjà

 

 

                                                                                 Le Secrétaire Général

                                                                                  DOURWE Bernard